La production européenne de blé est attendue en baisse de presque 20 Mt cette année. (©Pixabay)Un agriculteur qui aurait encore du blé à vendre aurait-il intérêt à patienter avant de commercialiser le reste ? Il semblerait bien que oui, d’après Laurent Crastre, analyste marché des grains chez Tallage.
Sur la première partie de campagne, « le potentiel de baisse est quand même assez réduit par rapport aux prix actuels, compte tenu des faibles disponibilités en Europe ». Mais d’autre part, le potentiel de hausse sera aussi limité par l’importance de la récolte russe cette année. Pendant la période de la pression récolte, en cours actuellement, « une stabilité voire une petite baisse des prix est anticipée, mais qui devrait rapidement être suivie par une remontée des cours ».
En parallèle, l’expert conseille de garder un œil sur ce qui se passe en Argentine et en Australie, des pays où la récolte du blé se fait entre novembre et janvier : « si tout se passe bien là-bas, ça devrait tempérer la hausse. Mais en revanche, en cas de problème dans l’un des deux pays, les prix pourraient avoir un potentiel de hausse assez important ».
Sur la deuxième partie de campagne, entre février et avril, Laurent Crastre table sur une hausse des cours, notamment avec le probable retour des quotas en Russie, un élément qui pourrait entraîner une remontée des prix. Mais compte tenu de la quantité importante de blé cette année en mer Noire, « avant d’avoir un potentiel de hausse certain, il faudra quand même écouler une partie du blé qui sera récolté », ce qui limitera la progression des prix.
Plusieurs éléments seront déterminant pour l’évolution des prix durant la campagne :
- Le bilan à l’issue des récoltes dans l’hémisphère Nord
Bientôt la fin de la moisson pour le blé français et sans grande surprise, les récoltes sont « assez catastrophiques » cette année : les rendements sont bas et surtout la surface est très faible, à cause des mauvaises conditions à l’implantation. La semaine dernière, Agritel annonçait une récolte française à 29,22 Mt.
En dehors de la France, « ça a également été très mauvais, notamment en Europe du Sud et de l’Est (Roumanie, Bulgarie) », où les cultures ont souffert de la sécheresse sur la deuxième partie du cycle de développement. Si la production européenne s’effondre cette année, c'est surtout à cause des semis catastrophiques en France et au Royaume-Uni. « À eux deux, ces deux pays sont responsables d’à peu près 75 % de la baisse prévue de la récolte par rapport à 2019. »
Mais la moisson est loin d’être finie partout : « on arrive seulement maintenant au cœur des récoltes en Europe centrale et en Allemagne. On va voir ce que ça donne, mais on n’attend pas de très bons résultats non plus. » L’Europe centrale (surtout Pologne et République Tchèque) pourrait toutefois réserver quelques surprises, avec une production qui pourrait s'avérer plus importante que prévue.
Tallage table sur une production européenne aux alentours de 128-129 Mt : une baisse de pratiquement 20 millions de tonnes par rapport à l’année dernière, alors « ça change un peu la donne » !
Chez nos compétiteurs, la récolte s’annonce un peu moins élevée. « Des surfaces en baisse et un peu de sec en Ukraine devraient pénaliser la production. » La Russie va sortir quant à elle une production probablement aux alentours de 77-78 millions de tonnes. « Ça laissera quand même pas mal d’export disponible. »
Un élément essentiel à ne pas négliger : des stocks de début de campagne nettement inférieurs à l’année dernière dans l’Union européenne, la Russie, l’Ukraine, et le Kazakhstan. « Les disponibilités seront plus faibles, même avec la moisson. »
- L’état de la demande
Avec la pandémie, de nombreux achats stratégiques ont été effectués sur la deuxième partie de campagne 2019-2020. Les acheteurs ne sachant pas ce qui allait se passer par la suite en raison de la crise sanitaire ont pu stocker un peu plus que d’habitude. Que des pays aient consommé davantage paraît peu probable ; la question à se poser est surtout : à quel point ils ont moins consommé ? « Ça sera déterminant pour les volumes d’achat des prochains mois. Pour le moment, nous sommes assez optimistes sur la demande mondiale, mais une surprise n’est pas à exclure. »
Autre élément à considérer : la Chine continuera-t-elle d'acheter du blé français ? « Le pays devrait probablement poursuivre ses achats. Peut-être pas autant que l’année dernière, mais les volumes devraient être importants tout de même. »
- Les récoltes dans l’Hémisphère Sud
Si la demande tient, il va falloir mobiliser plus de disponibilités de l‘hémisphère Sud, explique le spécialiste. En Argentine, l’état des cultures apparaît préoccupant, sans que cela ne soit encore alarmant pour le moment. Le centre et le nord du pays souffrent de sécheresse, et les prévisions de récolte baissent depuis quelques semaines.
En Australie, le deuxième pays à suivre de près, « après trois années de sécheresse, les prix du blé sont montés suffisamment pour que la culture se montre intéressante auprès des agriculteurs et que les semis 2020 soient très importants. Pour le moment, les cultures se portent bien : les plantes sont globalement en bon état, avec des conditions d’humidité plutôt bonnes. « Si l’Australie a beaucoup de blé mobilisable pour le marché mondial, ça calmera un peu la donne également, et ça devrait permettre d’avoir une situation qui ne se tendrait pas trop chez les principaux exportateurs. Le mois d’août sera déterminant pour les blés australiens et argentins, une période clé de leur développement (tallage).
- Les parités monétaires
L’évolution des taux de change sera également à surveiller attentivement. L’euro est nettement remonté dernièrement par rapport au dollar, boosté par le plan de relance européen, alors qu'en parallèle, le dollar recule.
« Si l’euro remonte fortement, le prix du blé ne pourra pas se permettre de monter trop fort, parce que les prix en dollar vont monter encore plus vite que les prix en euro. » En d’autres termes, si ça monte trop vite, le blé français va perdre en compétitivité très rapidement.
Même si les volumes seront plus faibles cette année, la France aura des grains à écouler sur le marché mondial, alors maintenir la compétitivité du blé français est essentiel. Actuellement, le blé français manque de compétitivité par rapport au blé de la mer Noire et au blé de l’Europe centrale et du Nord, notamment sur l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord. Mais à priori, « on pourrait se permettre d’être patient en début de campagne, vu ce qu’on a vendre. »
- Le bilan lourd en maïs et en orge
Autant le marché du blé chez les principaux exportateurs est relativement fragile, autant en maïs et en orge, « on a de la matière à ne plus savoir quoi en faire ». La récolte de maïs s’annonce pléthorique cette année notamment aux États-Unis, tandis que la demande a été impactée par la chute des prix du pétrole et la baisse d’utilisation de maïs pour la production de biocarburants, explique l’analyste. Même scénario pour l’orge : la récolte est bonne mais la demande en alimentation animale ne devrait pas être particulièrement importante, ni la demande en orge brassicole, la consommation de bière s’étant effondrée avec les mesures sanitaires. »
Des substitutions pourraient se faire, surtout dans l’alimentation animale. Alors « par effet de vase communiquant, ça devrait peser sur le prix du blé ». Peu de chance que le cours du blé décolle complètement, donc.
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August 06, 2020 at 11:05AM
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